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CLASSEMENT F100 DE PROFIT : Il faut voir grand!

Written by Kim Shiffman

En matière de développement d’entreprise, peu de femmes sont aussi aguerries que Rebecca MacDonald. La présidente d’Energy Savings Income Fund, un fournisseur d’électricité et de gaz naturel, a mené sa petite entreprise torontoise d’un chiffre d’affaires de 2 $ millions en 1998 à un stupéfiant 1,2 $ milliards en 2006. MacDonald récolte aujourd’hui les fruits de son labeur : une impressionnate fortune personnelle, une entreprise stable et solide et surtout cette exceptionnelle fierté d’avoir bâti une société aussi performante à partir de presque rien. « Je suis très heureuse de ce que j’ai réussi à accomplir », dit-elle humblement.

MacDonald devrait compter plus d’émules. Au Canada, comme presque partout dans le monde, l’entreprenariat féminin est en plein essor. Une enquête de CIBC World Markets de 2004 montrait que le nombre de femmes propriétaires d’entreprises au Canada grimpait 60 % plus rapidement que leurs pendants masculins. Si cette tendance se maintient, le nombre d’entreprises dirigées par des femmes franchira le cap de 1 million à la fin de cette décennie.

Malgré tout, l’entreprenariat canadien compte encore très peu de succès à la Rebecca MacDonald. Les femmes démarrent des entreprises en nombre record, certes, mais celles-ci sont majoritairement des PME. L’enquête de CIBC révélait que seulement 4,3 % des sociétés dirigées par des femmes détenait un chiffre d’affaires d’un million ou plus. Ce profil financier s’appliquait à 10,7 % des entreprises menées par des hommes.

C’est ce qui rend exceptionnel le classement F100 2006 de PROFIT : Les meilleures entrepreneures au Canada. Des 800 000 entreprises canadiennes qui appartiennent à des femmes, très peu sont aussi performantes que celles retenues par notre 8e classement annuel F100 : les chiffres d’affaires des entreprises sélectionnées vont de 2,8 $ millions à 1,2 $ milliards.

Comment ces femmes ont-elles renversé la tendance? Elles ont repoussé leurs propres limites. Elles ont accepté et relevé les défis, contournant les obstacles auxquels les femmes d’affaires font face. Elles ont identifié et investi les marchés négligés au pays et ailleurs dans le monde. Chemin faisant, elles ont mis au point de formidables innovations, du médicament naturel contre le rhume approuvé par la FDA aux accessoires de violon utilisés par les virtuoses du monde entier.

La clé du succès de ces entrepreneures réside peut-être toutefois dans l’énergie qu’elles ont investie dans le développement de leur entreprise. Elles admettent que les étapes de croissance ont été parfois éprouvantes, mais soutiennent que ces efforts en valaient amplement la peine. Faites croître votre petite entreprise et vous aussi pourrez un jour dirigez une société solidement implantée dans la marché. Vous serez libérée d’une large part de stress, détiendrez un pouvoir accru d’attraction et de rétention de personnel qualifié, posséderez une richesse certaine et, par-dessus tout, jouirez d’un sentiment d’accomplissement extraordinaire!

« Tout est dans la croissance. Je ne comprends pas qu’un entrepreneur ne cherche pas à faire croître son entreprise », affirme MacDonald dont l’entreprise (TSX : SIF.UN) couronne le 8e classement F100. « Si une entreprise n’est pas en croissance, c’est donc qu’elle stagne. Une petite entreprise ne peut s’offrir un portefeuille diversifié : tous ses oeufs sont donc dans le même panier. Elle est ainsi plus vulnérable et il lui est plus difficile de passer au travers des périodes de ralentissement économique. »

MacDonald n’est pas la seule à croire que la croissance fortifie les assises d’une entreprise. « Il peut être risqué de se limiter à son petit marché », affirme Lakshmi Raj (no. 39), co-présidente de Replicon Inc., concepteur d’un système de facturation et de relevé de temps en ligne dont le chiffre d’affaires atteint 9,9 $ millions.« Vous devez vous repositionner sérieusement si un nouveau joueur arrive sur le marché. Vous êtes forcés d’adoptez une nouvelle stratégie en vous demandant ce qui vous distingue des concurrents ».

Au service de quelques-unes des plus grandes entreprises au pays, Victoria Sopik sait que le poids financier et la notoriété de marque de ses clients — constituent une menace certaine pour les PME. « Prenons le cas d’une petite librairie qui voit un Chapter’s ouvrir ses portes au coin de la rue », explique Sopik (no. 60), PDG de Kids & Company Ltd., une entreprise de service de garde en milieu corporatif située à Thornhill, Ontario. « On court toujours le risque de devoir partager son marché avec une entreprise plus riche, capable d’offrir les mêmes produits et services à meilleur prix. » Bien qu’il n’existe pas pour l’instant de grandes chaînes de services de garde concurrentes dans son domaine particulier — (service de garde à temps plein et d’urgence pour les employés de bureau —), elle sait qu’il est toujours possible qu’un concurrent national apparaisse ou qu’une entreprise américaine bien établie élargisse son marché au-delà de la frontière. Voilà pourquoi elle a adopté une vigoureuse stratégie d’expansion. Au moyen de capitaux de risque, de la participation d’investisseurs providentiels, des banques canadiennes et d’autres sources de financement, Sopik cherche à établir rapidement de nouveaux centres de service. L’année dernière, les 15 centres de Kids & Company ont généré un chiffre d’affaires de près de 6,5 $ millions, soit une formidable hausse de 445 % depuis 2003! Avec une telle croissance, Victoria Sopik est en voie d’atteindre son objectif de 50 centres au pays en 2010.

Diriger une grande entreprise est, à plusieurs égards, plus facile que gérer une PME. « Une grande entreprise offre plus de flexibilité », affirme Kate Bird (no. 43), PDG de Career Essentials Inc., une entreprise de Markham (Ontario) spécialisée dans la formation et le développement des compétences des chômeurs et des travailleurs accidentés. En 2005, Career Essentials a enregistré un chiffre d’affaires de 8,6 $ millions. « Au cours du développement de l’entreprise, on est accaparé par le travail et il est difficile d’accorder beaucoup de temps à sa famille et à ses amis. Il m’est toutefois aujourd’hui beaucoup plus facile de prendre des vacances qu’il y a cinq ans. » En fait, Bird passe seulement deux jours au bureau et travaille le reste de la semaine à temps partiel à la maison. Cet horaire flexible lui permet de passer plus de temps avec ses deux jeunes enfants.

PDG d’une brasserie qui emploie plus de 200 personnes et qui brasse un chiffre d’affaires annuel de 133 $ millions, Teresa Cascioli (no. 3) affirme qu’elle ne travaille pas plus qu’une propriétaire de PME : « La somme de travail est la même; il y a seulement plus de transactions ». Située à Hamilton, son entreprise, Lakeport Brewing Income Fund (TSX : TFR.UN), jouit comme toute grande société connue d’un fort pouvoir d’attraction du personnel. Les moyens d’offrir d’excellents régimes de rémunération permettent ensuite de garder ce personnel au sein de l’entreprise. « Une petite entreprise risque de perdre ses bons employés », pense Cascioli. « Plusieurs personnes sont avant tout motivées par les possibilités d’avancement au sein de l’entreprise ». De fait, la nouvelle génération de travailleurs choisissent le développement et les opportunités d’avancement comme premiers critères de sélection d’emploi.

Un dernier avantage, et non le moindre, dans le fait de gérer une grande entreprise est le salaire que l’on s’accorde. Les entrepreneures de notre classement peuvent s’allouer un salaire — beaucoup plus élevé — que celui de leurs collègues de PME. Cet argent de poche permet de s’offrir de petits luxes… ou d’investir dans des REER et dans l’éducation de leurs enfants. Ces fonds peuvent aussi servir, à l’exemple d’une généreuse initiative de Rebecca MacDonald, à contribuer au bien-être de sa communauté. En effet, un don de MacDonald a permis à l’hôpital Mount Sinai de Toronto de fonder en 2003 le Centre Rebecca MacDonald pour l’arthrite et la maladie auto-immune. Ce centre de consultation externe se spécialise dans la recherche et le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et d’autres maladies auto-immunes. Les grandes entreprises peuvent aussi contribuer à de nobles causes. Ainsi, Eagle Professional Resources Inc., dirigée par Janis Grantham (no. 4),a fait don de 250 000 $ à divers organismes au cours des 5 dernières années, dont le Children’s Aid Foundation et divers programmes de soutien opérationnel au préscolaire, de de tutorat et de mentorat. De même, en décembre 2005, Lakeport a fait don de 100 000 $ au programme Hamilton Food Share et l’Armée du salut d’Hamilton. « Je suis née et j’ai été élevée à Hamilton, explique Teresa Cascioli. Je suis très heureuse que Lakeport puisse contribuer à rendre les Fêtes plus joyeuses pour quelques familles de la communauté ».

Le sentiment d’accomplissement et la fierté qui l’accompagne restent, pour la majorité des entrepreneures du F100, le plus grand bénéfice de la croissance de leur entreprise. « Les femmes propriétaires de petites entreprises perdent la chance de se prouver à elles-mêmes qu’elles peuvent se dépasser et accomplir quelque chose d’extraordinaire », affirme MacDonald. Je suis fière d’avoir repoussé mes propres limites.

Si être à la tête d’une grande entreprise comporte de tels avantages, alors pourquoi encore si peu de femmes sont-elles tentées par l’aventure? Les hypothèses — et les clichés — sont nombreux mais n’expliquent rien; même l’enquête du CIBC World Markets sur l’entrepreneurship féminin conclut que les raisons de cet état de fait sont « difficiles à déterminer ».

Les entrepreneures du F100 ont une opinion beaucoup plus claire à ce sujet. Plus de la moitié d’entre elles (53 %) sont d’avis que peu de femmes sont prêtes à prendre le risque de créer et de développer une entreprise.« Beaucoup de femmes, par nature, n’ont pas le goût du risque », pense Rebecca MacDonald. Plusieurs d’entre elles cultivent la pensée négative et ont surtout peur de l’échec. MacDonald admet qu’elle aussi a eu ses moments de doute, mais affirme : «il faut prendre des risques pour progresser. C’est ce que j’ai fait et ça a réussi. »

Les entrepreneures du F100 sont également d’avis qu’il y a une large part de vérité dans l’idée reçue que certaines femmes ne veulent pas (45 %) ou ne peuvent pas (33 %) consacrer aux affaires le temps réservé à leur famille.« Les femmes ont plusieurs responsabilités » note Cascioli. Plusieurs ont des enfants en plus d’autres engagements : ces responsabilités requièrent un solide réseau de soutien, ce dont chaque femme ne bénéficie pas nécessairement. Cascioli a dû sacrifié beaucoup au profit de son entreprise. Elle n’a pas d’enfant et a été célibataire pendant plusieurs années : « Je ne pouvais consacrer mes énergies à autre chose qu’à l’entreprise », admet-elle.

À l’autre bout du spectre maternel, Sopik croit que diriger une entreprise tout en élevant une famille a des répercussions très positives sur ses enfants. Elle considère que ses enfants peuvent tirer d’utiles leçons de ses longues heures de travail et de ses moments d’angoisse : « C’est formidable que les enfants soient en mesure de constater les défis du monde des affaires dès leur jeunesse : ça les amène à réaliser que le travail qu’il choisiront un jour ne sera pas toujours facile et qu’il exigera beaucoup d’efforts. » Le moins qu’on puisse dire, c’est que Sopik parle d’expérience : en plus de diriger l’entreprise qui connait la croissance la plus remarquable du classement F100, elle est mère de huit enfants.

Une portion des entrepreneures du F100 (29 %) invoquent par ailleurs le faible réseau d’affaires des femmes pour expliquer leur présence minoritaire dans les grandes entreprises. Kate Bird croit que c’est dû en partie à la tendance des femmes d’affaires à minimiser le succès de leur entreprise et à partager les honneurs plutôt que de se mettre de l’avant. « Un grand nombre de femmes ont de la difficulté à reconnaître leur propre valeur », affirme-t-elle. « Quand on est en affaires, c’est un défaut certain : les gens d’affaires évaluent les fournisseurs de services non pas sur leur humilité, mais bien selon leurs accomplissements. »

Quels que soient les obstacles réels ou imaginés dans la gestion d’enteprise, ce qu’exècre Teresa Cascioli, ce sont les femmes qui blâment leur insuccès sur leur nature féminine : « Le genre de phrase comme ‘Je suis une femme, je suis incapable de faire ça’ est de la pure foutaise et n’a pas sa place en affaires. Vous devez vous conduire comme une personne d’affaires, un point c’est tout. »

Aimerait-elle que plus de femmes développent et soient à la tête de grandes entreprises? « La meilleure personne pour remplir ce poste doit diriger ces entreprises » affirme-t-elle. Cette opinion n’est pas partagée par la majorité de ses consoeurs. 86 % d’entre elles aimeraient voir plus de femmes récolter les fruits de l’audace qu’elles ont eu en créant et en développant une entreprise. Une seule réserve à ce sujet, résumée éloquemment par Bird : « En autant qu’elles ne soient pas des concurrentes! »

Faits saillants du classement F100 2006 de PROFIT :

Démarrage divers

Les débuts entrepreneuriaux des femmes du F100 sont variés. Soixante-quatorze ont fondé l’entreprise, seule ou avec des partenaires. Treize d’entre elles ont acquis leur compagnie. Sept ont repris les rênes de l’entreprise familiale, cinq ont pris la tête d’une entreprise déjà établie et une s’est jointe à l’entreprise en tant que partenaire.

Des efforts tout azimut

Les entreprises incluses dans le F100 continuent de s’illustrer dans des secteurs d’activités traditionnellement dominé par l’entrepreneurship masculin : fabrication (21), construction (4) et développement de logiciels (2). Trente-cinq sociétés offrent des services aux entreprises, tandis que 18 oeuvrent dans le domaine du service de consommation. Douze entreprises font partie du secteur de la vente en gros et de la distribution, et huit sont dans la vente au détail.

Portrait provincial

L’Ontario compte 62 des 100 entreprises F100, loin devant la Colombie-Britannique (14) et l’Alberta (11). Le siège social de sept entreprises du F100 est au Québec, alors qu’on en trouve deux au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan. Le Manitoba et Terre-Neuve sont chacun représentés par une entreprise.

Excellentes exportations

Plus de la moitié (54) des entreprises font des affaires par-delà les frontières. Parmi celles-ci, toutes exportent leurs produits aux États-Unis, alors que 35 % s’aventurent au Royaume-Uni. 43 % des entreprises exportatrices comptent des clients en Europe de l’Ouest et 26 % ont investi le marché australien. L’Inde, la Chine et le Mexique sont aussi des marchés importants pour les exportatrices du F100.

Comment nous avons dressé le classement F100

Les entreprises du F100 ont été classées selon le revenu brut enregistré au cours de leur dernière année fiscale complète. Les données ont été vérifiées à l’aune des états financiers. PROFIT a recueilli les candidature par le biais : de formulaires de nomination parus dans PROFIT, Maclean’s et Canadian Business, de même qu’en ligne sur PROFITguide.com; d’envois postaux aux anciennes sélectionnées et à d’autres femmes propriétaires d’entreprises florissantes. Des formulaires de nomination ont aussi été distribués par divers organismes.

Remerciements particuliers à Jennifer O’Connor, qui a supervisé et cautionné le classement F100 de PROFIT.

PHOTO DE FAMILLE F100
Chiffre d’affaires moyen 27,5 $ million
chiffre d’affaires médian 7,6 $ million
Croissance moyenne sur 3 ans 137 %
Nombre moyen d’employés (ETP) 100
Nombre d’entreprises rentables 94
REINES DE LA CROISSANCE

Les entreprises du F100 connaissant la croissance la plus rapide

PDG Entreprise Croissance
Victoria Sopik Kids & Company Ltd. 3,376 %
Jacqueline Shan CV Technologies Inc. 2,727 %
Sandra Wilson Robeez Footwear Ltd. 1,172 %
Jane Gowing Gowing Contractors Ltd. 343 %
Linda Hipp Lija Style Inc. 295 %

Croissance du chiffres d’affaires sur 3 ans, parmi les entreprises ayant un chiffre d’affaires d’année de référence de plus de 100 000 $

CE QU’ELLES FONT

un PORTRAIT PAR DOMAINE

Service aux entreprises 35
Marketing 10
RH 8
Transports / logistique 4
Prdiots pharmaceutiques / Soins de santé 3
TI 3
Autres 7
Fabrication 21
Service de consommation 18
Vente en gros / distribution 12
Vente au détail 8
Construction 4
Développement de logiciels 2
CE QUI FREINE LES FEMMES

Des 800 000 entreprises canadiennes qui appartiennent à des femmes, très peu sont aussi performantes que celles retenues par notre 8e classement annuel F100. PROFIT a demandé aux meilleures entrepreneures canadiennes pourquoi les femmes étaient-elles surtout à la tête de PME

Les entrepreneures :

Ne veulent pas prendre les risques inhérent au développement d’une grande entreprise 53 %
Ne veulent pas sacrifier le temps consacré à leur famille 45 %
Ont un accès insuffisant aux capitaux 44 %
Ne sont pas assez ambitieuses 42 %
Ne peuvent pas sacrifier le temps consacré à leur famille 33 %
Démarrent des entreprises avec un potentiel de croissance limité 32 %
Ont des réseaux d’affaires moins développés que ceux des hommes 29 %
Manquent d’expérience / formation nécessaires pour développer et diriger une grande entreprise 27 %
Valorise un certaine qualité de vie (excluant la famille) au détriment du développement de l’entreprise 22 %
OÙ SONT-ELLES
Ontario 62
Colombie-Britannique 14
Alberta 11
Québec 7
Nouveau-Brunswick 2
Saskatchewan 2
Manitoba 1
Terre-Neuve 1
GROS PLAN SUR LA PDG
Âge moyen 49
Nombre d’entre elles ayant fondé leur entreprise : 74
Nombre d’entre elles estimant avoir atteint un équilibre 75
No. 1 : « Good to Great » par Jim Collins
No. 2 : « The E-Myth » par Michael E. Gerber
No. 3 : « Blue Ocean Strategy » par W. Chan Kim et Renée Mauborgne
No. 4 : « How to Win Friends and Influence People » par Dale Carnegie
Originally appeared on PROFITguide.com
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